Stan >> le petit soldat

Voilà maintenant 26 ans que mes parents m'ont donné le nom de Stanislas Lorcan. Je suis de nationalité française sans tout de même oublier que j'ai des origines galloises. En ce moment, je suis célibataire. Depuis 2 ans, je suis conseiller financier et malgré tout, je le vis bien. Même si ce n'est pas facile tous les jours. Je fais partie du groupe des salut les musclés et on me dit souvent que je ressemble étrangement à Penn Badgley.

Les lumières de la ville brillent là, derrière cette vitre. Au bas même de l'immeuble, un long réverbère éclaire un banc solitaire. La nuit, plus aucun couple n'y vient partager leur amour, ni aucun tourriste blasphèmer contre les plans d'une ville, étrangère, aussi incompréhensibles qu'une langue oubliée. Pourtant, Paris ne semble pas endormie. Les murs voient leurs couleurs changer au fil des heures, noir, gris, jaune, beige, jaune, gris, noir. Plus rien n'est identique. La nuit, nous semblons tous différents.
Deux jeunes filles traversent la rue déserte en titubant et certains en profiteraient pour s'acharner sur cette 'nouvelle génération'. Alors qu'elles paraissent insouciantes, si heureuses, les cheveux en bataille. De la manière la plus ancestrale possible. Paris ne meurt pas, Paris est constamment en ébullition. Et pourtant, mon âme est semblable aux impasses qui ne voient jamais le jour, tordues, emmurées et sales. C'est dans ce tumulte enragé que je me sens le plus esseulé.

Le son de la télé me parvient, fond abrutissant, et perce la fine membrane qui m'entourait jusque là. Cet engin est pitoyable, tout à fait digne de la perception qu'ont les gens de la 'modernité', de cette 'technologie révolutionnaire'. Des mots usés à tort et à travers. La grande toile des médias qui ne cessent de croitre, de s'éventrer, de renaitre et par dessus tout, de polluer. Certains, qui se sentent un peu plus malins que les autres, osent une critique. Des chroniques pour déchiqueter d'autres chroniques, telles d'hypocrites voisins de cette résidence chic. Avec une conscience politique, presque exclusivement de droite, dont ils sont fiers. Qui le souligne ? Des porcs qui grignottent tous dans la même mangeoire. Et voila que cet écran plat me fait la morale, prone la liberté d'expression avec un culot sans égal. Qui nous vante la beauté d'un pays dont plus personne ne veut au sein de l'Union Européenne. Envie d'un petit voyage en Roumanie, très chers ministres ?
D'un geste brusque, je saisis la télécommande et la jette contre ces images époustouflantes. La télévision tremble mais ne tombe pas. Le gérant de cet hôtel a tout prévu. Vissée au mur, incassable, impossible à abattre. Tant pis pour le silence, la Roumanie mérite bien ses trente secondes d'échange. Le plus pathétique de l'histoire est bien celui qui ne cesse de chercher son reflet, cette ombre qui s'efface progressivement. Mais cette pièce est si petite, sobre et fonctionnelle, qu'il est impossible de croiser un miroir. Sur la table basse, une bouteille de vin rouge bon marché est à demi entamée. Quelle ironie du sort que de le consommer dans un vulgaire gobelet transparent. Et d'ailleurs, pourquoi doit-on boire le vin dans des verres à pied ? Un haut le coeur me ramène dans cette chambre. J'aurais aimé parler du froid, de mon sang figé qui me tue à petit feu -que c'est amusant-, mais il y fait une chaleur à en crever. Les fenètres sont vérrouillées, peut-être pour contraindre les suicidaires à prendre le R.E.R, et je regrette d'être si bien isolé. Dehors, des gouttes de pluie naissent ici et là. Alors, un désir d'escapade empoigne mes entrailles. Sans prendre de veste, à peine le temps d'enfiler mes baskets et je dévale les escaliers qui n'ont même pas l'occasion de craquer. A mon arrivée, les gouttellettes se fondent en une cascade tiède qui martèle doucement le bitume. L'odeur qui précède la pluie comprime et apaise à la fois tout ce qui nous compose. La sensation d'être le témoin d'un spectacle unique, la naissance d'un jour nouveau, l'allaitement de la terre et l'oubli de ses maux. Ne serait-ce qu'une minute, le silence se mue en une mélodie décomposée.

Se morfondre n'a aucune emprise sur la vie. Alors, cette nuit là, j'ai pris plusieurs résolutions. Tout faire pour être licencié, quitter cette fille qui m'empoisonne, trouver un appartement qui ne pue pas le dégueuli de clebs et surtout, surtout, ouvrir les yeux.