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| Sujet: Re: WMGB ☀ j'ai voulu me suicider en sautant de mon ego ; j'ai pas encore atterri. Lun 29 Aoû - 12:33 | |
| tu dois admettre qu'il est possible que Dieu ne t'aime pas du tout.« Maintenant les amis, c'est l'heure du courrier ! Monsieur L'Escargot vient d'arriver ! Il en a mis du temps ! Alors voilà une question du petit Siméon ! "Quand est-ce que le prochain Harry Potter sort ?" Oh. Désolée, mon petit Siméon, mais Harry Potter, c'est bel et bien fini. Mais, tu peux toujours acheter les DVDs et les regarder à l'infini ! Sans oublier de.... ? » « ...faire du sport ! » « Bravo Sophie ! Tu as bien retenu la leçon ! Maintenant, c'est toi qui va conclure l'émission avec une question ! » « Woodie, est-ce que tu aimes les enfants ? » « Quelle drôle de question Sophie ! Non, je n'aime pas les enfants... » « Ooooooooh... » « ...je les adore ! Hahaha ! Voilà les amis, on se quitte maintenant, il est temps d'aller à l'école ! Passez une bonne journée et surtout n'oubliez pas... Woodie est là pour répondre à toutes vos questions et vous prévenir de toutes les nouvelles du monde des petits ! Au revoir et à demain ! »
C'est ça tous les matins. Tous les matins, je règle les problèmes d'un monde qui n'existe pas, un monde merveilleux où Dodo le chameau s'éclate à faire du rallye et où Marcous l'ours bouffe des pots de nutella à chaque heure de la journée. J'enquête sur des mystères incroyables, dont ceux d'une coquille vide qui aurait disparu du musée des merveilles et dont le principal suspect serait une limace solitaire, que même Columbo et autres 007 ne pourraient pas résoudre. Je suis Woodie, je me déguise avec des costumes qui grattent et qui laissent sur ma peau des plaques rouges écarlates qui mettent souvent des lustres à disparaître entièrement, je suis aussi la meilleure amie d'un lapin muet avec qui je mange des poireaux sans OGM sur une table en bois de chêne que Requin le Marteau a confectionné lui-même et j'arrive toujours à tirer de n'importe quelle situation une sublime morale. « Alors comme ça, on aime les enfants, hein ? » Stagiaire débile qui ricane. Caméraman maladroit. Café froid. Sarcasmes omniprésents. Ce n'est pas exactement l'idée que je me faisais du job de mes rêves. Non. Moi, je voulais être la star d'une émission télévision phare, une journaliste de renommée qui serait invitée sur des plateaux sur lesquels les discussions sérieuses et intéressantes primeraient. J'aurais pu voyager, tourner des documentaires, être en plein coeur d'une bataille. Une vraie journaliste, et pas celle qui s'occupe du programme cinéma enfant et des nouvelles BDs de Tintin.
Je sais pas trop pourquoi Dieu s'est décidé à mettre sur ma route autant de problèmes. Il doit pas m'aimer. En même temps, il faut l'admettre, je l'ai jamais vraiment aimé non plus. maman est en haut qui fait du gâteau ; papa est en bas dans une grande boîte en bois.J'ai toujours aimé prendre la parole. Ecrire, débattre, ça a toujours été mon truc. Je me souviens d'une fois, on devait faire un devoir sur la personne que l'on admirait le plus au monde... « Il est français, voyez, et surtout intelligent, généreux et amusant. Il a une tête bizarre parfois, surtout quand il veut faire des grimaces, parfois même il a très mauvaise haleine. Il est grand, fort, et quand il apparaît à la télévision, j'ai l'impression que c'est un ange. Il a toujours le sourire, il aime ce qu'il fait et ce qui me fait encore plus plaisir, c'est qu'il m'adresse le même sourire quand il rentre à la maison. Que ce soit dehors en pleine manifestation ou quand il me fait faire l'avion dans ses bras, il a une lueur dans les yeux qui vaut tous les meilleurs journalistes du monde. Mon papa, il a la foi, le talent et surtout, il a la passion. Alors quand je serais grande, j'aimerais être comme lui. Aussi passionnée et absorbée par ce que je fais, sans pour autant en faire une priorité. Mon papa, c'est le meilleur, même quand il a du dentifrice sur le coin de la bouche. Mon papa, c'est le meilleur, et même quand il est pas là. » Je m'imaginais avec lui devant une caméra. Berlioz père et fille en direct du centre de New-York, à la chasse aux informations ! J'imaginais qu'on serait beaux, qu'on aurait une audience aussi élevée que la coupe du monde de football et que Maman nous préparerait des gâteaux à la banane tout en nous écoutant. Je nous voyais souriants, un micro à la main. Je nous voyais vivants.
Je me souviendrais toujours du jour il m'a dit que je serais une grande journaliste. Il me disait que je devais faire tout ce qui était en mon pouvoir pour faire ce que je voulais, que tous les moyens étaient bons. J'étais aussi ambitieuse que lui, et j'avais hâte de lui montrer ce que j'allais devenir. J'allais devenir une femme épanouie, avec de l'argent et un grand bureau rien qu'à moi, et avec des tas d'invitations des plus grands. Je serai une VIP, comme toi, Papa. C'est beau les rêves.
« Heu... pardon, mais est-ce que Woodie Berlioz est dans cette classe ? » Un péteux de deux ans de plus que moi semblait me chercher. « Ouais, j'suis là. » « Viens, le proviseur veut te voir... » Je laissais mes affaires en plan et le suivait. Ah, il était mignon dans son genre mais vu la façon dont il s'habillait, c'était un de ces gars richissime qui se la joue gros patron avant même d'avoir trois poils sur les fesses. On n'échangeait pas même deux mots jusqu'à ce qu'il me laisse devant la porte. « Bon bah. Bonne chance. » Bonne chance. Je ricanais. Je n'avais rien fait, et si j'avais beau faire des bêtises régulièrement, je m'arrangeais toujours pour que personne ne s'en souvienne ou ne me soupçonne. Si j'avais su que ce n'était en aucun cas pour ça. Je m'imaginais déjà en train de faire un discours qui ôterait tous soupçons sur moi, mais je n'avais rien à dire. Non, pour une fois, je me contentais de regarder les lèvres gercées du proviseur dont la moumoute menaçait de s'écraser au sol à chacun de ses mouvements. Je voyais sans voir, j'écoutais. J'écoutais un verdict qui allait changer ma vie. « Je suis désolé. Ta mère vient te chercher. » Et j'allais à l'hôpital dans le joli 4x4 de ma mère. Mon père, lui, il avait une belle petite coccinelle. On le disait gay tout le temps, parce qu'il aimait bien les couleurs. Il s'en foutait, tant que ça roulait, et puis, il disait que ça me plaisait, alors il l'avait acheté. Mon père, il pensait jamais à lui. C'était tout le temps moi qui passait avant. Moi, et ma mère, et c'est bien ça qui l'a tué. Moi, et ma mère, et c'est bien ça qui l'a tué. Je lui avais dis, qu'on en voulait pas, de son gâteau à la banane sorti du boulanger. On lui avait dit, répété cent fois. Mais il était aussi borné que moi. Et ça l'avait mené ici, sur un lit d'hôpital, à deux doigts de s'éteindre. « Papa, t'as déconné... » Je pleurais pas. J'avais les lèvres qui tremblaient. « Je t'avais dit qu'il fallait que tu fasses un contrôle. Je savais que y'avait un truc qui clochait... » « Ha, ha, les deux femmes de ma vie qui me font la morale sur mon lit de m... » « Tu vas partir ? » « ...Pour très longtemps, oui. » Il avait des grosses cernes, et c'était dur de le reconnaître. Son visage était brûlé, ses dents abîmées et il se forçait à sourire, comme avant. Et bizarrement, ça marchait. « Woodie-Maë, tu feras de ne jamais t'acheter de voiture. Ja-mais. Et pareil pour mes petits enfants, dis leur que ça sert à rien. De courir partout. De s'en aller. Parce que chez soi... » «... c'est le meilleur pays du monde. » Il avait arrêté de sourire. Il me regardait, et il me murmurait un petit je t'aime, alors que je le prenais difficilement dans mes bras. Ma mère avait déjà laissé couler l'océan atlantique sur ses joues et prenait soin de lui dire tout ce qu'elle voulait lui dire. Et puis, il est parti. Pour un documentaire dont il serait le seul auditeur. C'est quoi Dieu ? - Tu vois quand tu fermes les yeux et que tu désires un truc très fort ? Et ben Dieu, c'est le mec qui en a rien à foutre.« Et voici Berlioz fille ! » Les applaudissements, les visages souriants, les lumières, le sol brillant. Tout ce que je vois bouge. Tout se mélange un peu, tout tournoie autour de moi. J'crois que je suis pétée, et ce, juste avant de passer dans une émission sur une chaîne que personne ne regarde, pour les cinq ans déjà de la perte d'un des grands noms du journalisme. Mister Berlioz est mort, et maintenant, on met tout sur le dos de son héritière, Woodie-Maë, la petite présentatrice télévision pour enfant qui a décroché le job juste pour son nom. J'ai une renommée comme celle que je voulais, mais malheureusement pas pour ce que je voudrais. Je m'assois brutalement sur le sofa rouge écarlate qu'on m'a offert. Tout bouge, et j'ai mal au ventre. Peut-être que c'est la fatigue, ou bien la dizaine de verres cul-sec que je me suis enfilée juste avant... « Votre père, c'était un catholique, n'est-ce pas ? » Ca fait bien vingt minutes qui parle, et après une vidéo avec une chanson dépressive de Coldplay en arrière plan, il s'intéresse à moi. Je tire une tête de six pieds de longs et j'éclate de rire. « Ha ça, mon père, il aimait Dieu, ça c'est clair, m'sieur... heu, m'sieur merde, j'sais plus. Bref ! Ouais, mon père il keefait Dieu, c'était genre un dieu quoi pour lui, et puis cet enculé de divinité l'a complèt'ment trahi ! Et ouaaais, en gros être catholique ça sert à rien, parc'qu'on, on finit tous par être se faire enculer ! Et c'pas parce qu'on va à l'église et toutes ces institutions là, que ça change que'que chose, ha bah non ! Et même que vous voyez... » Oui. On a tous vu. Tous vu que j'étais complètement bourrée, telle une irlandaise à la fête de la St Patrick, tu sais, celle qu'on voit à la télévision, dans un caniveau. J'étais morte, définitivement défoncée, voir j'avais certainement trois grammes dans le sang. Et je venais de ruiner toutes mes chances d'être remarquée par un grand et beau journaliste, de pouvoir présenter quelque chose d'autre que Dodo le chameau et sa nouveau bosse sur la tête, de porter des robes et pas des costumes à plume et qui me provoque des allergies.
C'est ce qui s'appelle foirer sur toute la ligne. Ma vie était fichue, j'allais finir par devenir journaliste dans un magazine gratuit rubrique chiens écrasés. J'allais finir par afficher une photo de moi sur cette page et me laisser mourir à la Bridget Jones. J'aurais pu faire ça. Me dire que c'était fini pour moi, que si j'avais encore un peu de dignité, je m'en irai la tête haute, un sac sur le dos, pour aller dormir sous les ponts. Mais je n'ai pas fait ça. Parce que je suis la fille de Mister Berlioz, et que si mon père m'avait entendu penser, il aurait été capable de revenir dieu-sait-où pour venir me flanquer une raclée sur Terre. J'allais me ressaisir et finir ce que j'avais commencer, c'est-à-dire devenir une journaliste de renom et la digne fille de son père.
Tout ce qu'il me fallait, c'était un tremplin, quelque chose qui pourrait m'aider à redresser ma barre et reconquérir ma fierté perdue en la perdant de nouveau. ambition : nom noble donné aux besoins d'argent.Passer sa vie devant la télé et se lever juste pour jouer Woodie l'ami des petits, c'est une sorte de routine que je me suis instaurée toute seule. J'ai été surprise de pas être virée le lendemain de la fameuse émission, car en fait, ça a été tout le contraire. Ma côte de popularité a augmenté et ce n'est plus vraiment les petits qui me regardent, mais des adultes qui veulent voir si oui ou non je vais me ramener sur le plateau à moitié bourrée et commencer à faire une morale athéistique. Bref. Je suis l'héritière la moins digne du monde, la petite crotte de la famille, ce que me fait un bonheur de me répéter ma mère. Une honte, voilà ce que je suis, et elle m'ordonne presque de changer de métier. La blague. J'allais m'en tenir à ce que je voulais, et cesser de fuir. J'allais foncer dans le tas, et c'est une émission qui m'a remis sur les rails. Je n'y assistais pas, parce que mon petit écart à télévision avait été balayé par quelques autres news, comme on les appelle.
« Et tandis que certains héritiers d'un nom respectable se contentent de le salir...» On ne parlait pas de moi du tout, puisqu'il semblait que j'étais complètement oubliée par tous depuis que Dodo le chameau avait fait un buzz sur internet avec trois poireaux. «... d'autres font la fierté de toute leur famille ! Veuillez accueillir comme il se doit le jeune Levi ! » Et là, je voyais un jeune homme fringuant. Un journaliste, fils d'un brillant avocat à qui tout réussissait. Je mordais mes doigts inconsciemment. Si je pouvais lui parler, flirter un peu avec lui, il arriverait à me faire sortir de cette torpeur médiatique par un simple coup de pub qu'il ne pourrait pas me refuser...
Le problème, c'est qu'il habite en France. Un brillant américain en France, ça a son charme. Le soir même, je m'envolais. Je n'avais pas de temps à perdre. Surtout que mon patron m'avait trouvé une petite émission pour enfants basée à Paris. Avec mon accent, j'allais faire un malheur.
Dernière édition par Woodie-Maë G. Berlioz le Lun 29 Aoû - 17:55, édité 18 fois |
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